Rieux 51 Marne
Le proto-champenois en hébreu
Champagne, rachi utilise le mot champagne pour traduire d'une part l'opposition entre monde urbain et rural ( c'est le sens conservé dans le français campagne ), d'autre part la notion de plaine issue du latin campania. Connaissait-il le toponyme champagne (dont l'histoire reste à faire)? Rien ne permet de l'affirmer. Le nom apparaît pour la première fois, sans complément déterminatif, chez Grégoire de Tours au VI siècle: campania. Il désigne d'abord une région naturelle au relief caractéristique, dénomination qui n'a d'ailleurs rien d'original, puisqu'on le retrouve en Italie : la Companie, en Belgique: la Campine, mais aussi dans les innombrables Champagnolles, Champignole, etc... Il désigne ensuite un comté crée vers le milieu du X siècle autour de Troyes, mais le premier à prendre le titre de comte de Champagne, en 1093, fut Hugues, contemporain de Rachi. Quelle pouvait alors être l'audience d'un nom comme Campania ? Et à supposer qu'il fût connu par des esprits cultivés comme Rachi, quelle représentation mentale suscitait-il ? La question est évidemment très difficile.

Les toponymes dérivés de « scopa »
Plusieurs régions de la France d’oïl, comme la Normandie ou la Lorraine, possèdent des bois ou forêts, des Écouves, ainsi nommés parce que les manants étaient autorisés à y prélever les branchages dont ils confectionnaient les balais.
La Champagne et le Nord connaissent aussi des lieux-dits nommés Ecouvé ou Montécouvé (Cantons de Sainte-Ménéhoulde, Ville-sur-Tourbe, Marson, etc), dont l’explication est différente, et révèle un autre avatar du terme ; l’escouve a servi au moyen âge à matérialiser la limite entre deux territoires, deux seigneuries. Elle consistait, d’après le dictionnaire de Godefroy, en « une longue perche entourée de branchage qu’on fichait en terre », et pouvait éventuellement servir à interdire l’entrée dans une ville. Ceci explique que la plupart des lieux-dits contenant Ecouvé se trouve, aujourd’hui encore, à la limite de deux communes. Signalons, pour terminer, que certains chercheurs voient dans le nom de la commune d’Ecollemont (canton de Saint-Rémy-en-Bouzemont) un composé dont le premier élément représente scopa, hypothèse qui n’est certes pas la seule possible, mais qui est autorisée par la forme ancienne Alodium Scoblei Montis, attestée vers le milieu du XIIe siècle.

Du nom commun au nom de lieu
Le toponymiste découvre chez Rachi nombre d’appellatifs servant aujourd’hui à nommer des lieux, dont certains cependant, sont encore vivants dans les parler locaux: c’est le cas, entre autres, de « orle », que Rachi emploie dans les sens de «ourlet» ou encore de «pan de robe retroussé», mais qui, par métaphore, s’est appliqué ensuite au talus, sens encore attesté au Nord-ouest de la Marne. Le même processus a conduit «feisole»: «bandelette de tissus dont on s’entourait les jambes» chez Rachi, à désigner un petit bout de terrain ou une sole, mot encore vivant dans les Ardennes sous la forme «fache» et attesté comme nom de lieu-dit à Nanteuil-la Forêt (canton de Chatillon-sur-Marne): «les faches». Le terme brosse, devenu brousse, défini comme «une forêt mince et drue», ne figure plus que dans les cadastres: celui du XIXe siècle, dit «cadastre napoléonien», nous apprend que «la brousse» était un bois royal à Avenay-Val-d’Or (canton Ay), mais on le trouve aussi dans d’autres communes de la Montagne de Reims: Bouzy, Damery, Hautvilliers, etc.

Deux études analytiques relatives au champenois
Celle de Ferdinand Brunot, secondé par Charles Bruneau, consacra à «La langue de la région rémoise en 1789 étudiée dans les cahiers de doléance du bailliage de Reims», dans le tome X de son «Histoire de la langue Française», et dont la perspective, à la fois historique et descriptive, n’est pas totalement débarrassée de considérations normatives. D’autre part, celles que Jacques Chaurand a réunies dans le chapitre intitulé «Dialectologie picarde et champenoise» de son ouvrage « Les parlers et les hommes », et qui montrent combien l’espace dialectal, fait de continuités et de ruptures, ne peut-être étudié que dans des jeux d’interrelations, nom seulement entre dialectes voisins, mais aussi avec la langue française.
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